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Masked man in glasses expressing different emotions

Les émotions sont toujours des informations, même en négociation

Par Philippe Etienne, Consultant formateur

Le négociateur classique ou adversarial, celui qui assimile la négociation à une partie de poker, est cohérent avec sa vision de la négociation : il joue à « poker face ». Je suis content, je ne montre rien, car sait-on jamais, peut être pourrais-je « gratter » un peu plus. Je ne suis pas content, voire frustré ou en colère, je ne montre rien non plus, car dans la « négo », je dois être fort et montrer mon émotion c’est s’affaiblir !

Nous sommes en présence d’une des idées reçues les plus fréquentes et les plus néfastes en négociation : le bon négociateur doit porter un masque. Or, à ne rien montrer, à cacher ou à nier leurs émotions, ces négociateurs se privent de beaucoup d’informations et, ce faisant, en privent leurs interlocuteurs pour le plus grand dommage de tous. En effet, dans toute négociation, les émotions constituent toujours une source d’informations inestimable. Elles ne sont absolument pas des « fake news » !

Une émotion ne ment pas : la peur, la tristesse, la colère ou la joie, dans leurs diverses gradations, nous renvoient des messages sur notre état dont il est important de tenir compte. Une émotion n’est pas une opinion, elle ne se discute pas. Par exemple, si vous avez peur, personne ne peut vous dire : « Mais non, tu n’as pas peur ». Il n’y a pas de batailles d’arguments autour des émotions. Elles sont tout simplement incontestables.

En négociation, enfermées dans des guerres de positions, pour faire triompher leur point de vue, les parties peuvent se livrer à une bataille d’arguments et de contre-arguments sans fin. A l’inverse, si vous ou votre interlocuteur prenez soin de prendre en compte et de traiter les émotions, vous interrogerez l’autre assez naturellement en lui demandant : « Mais pourquoi as-tu peur ? ». Ainsi, la communication ou le questionnement sur les émotions en présence ont de fortes chances de pousser les parties prenantes à se conduire autrement.

En négociation, les émotions sont au moins aussi importantes que les intérêts en présence. Elles peuvent d’ailleurs aider à mieux les comprendre et les appréhender.

Les 4 phases d’escalade suscitées par les émotions

  • Première étape, la tension : elle est facilement repérable. Entre les parties en présence, le niveau de l’écoute est limité. Par exemple, elles se coupent la parole régulièrement ou bien elles n’attendent pas la réponse aux questions qu’elles posent. De même, le niveau de confiance entre les interlocuteurs est bas poussant certains à vouloir fuir. Tous ces signaux de tension n’ont qu’une explication : une négociation est en cours et c’est même à ça qu’on la reconnaît. Donc, c’est normal ! Si les négociateurs n’acceptent pas ce point, alors….
  • Alors nous passons à la seconde étape de l’escalade, l’incompréhension. Une confusion règne entre les faits et l’interprétation qui en est faite par les uns et les autres. Certains se livrent à de fâcheux amalgames. Le phénomène du « disque rayé » est en route : chaque point déclenche une objection, « oui mais…», « oui, mais… », « oui…mais ». A force de tourner en rond, l’incompréhension s’installe. Si aucune reformulation n’est faite, alors…
  • Nous arrivons à la troisième marche de l’escalade émotionnelle : la guerre de positions. Celle-ci s’accompagne d’un cortège d’obstructions diverses, de coalitions musclées, de chantage, de confusions et d’attaques personnelles. Si les parties ne parviennent pas à nommer le blocage, à se mettre « d’accord sur le désaccord», à bien évaluer leur « meilleure solution de rechange à un accord négocié » (MESORE ou leur plan B), … il est quasi certain que la négociation va tout droit vers l’impasse. A l’inverse, toutes ces questions sont vertueuses car elles recréent des pistes de dialogue et évitent de monter au sommet de notre escalade émotionnelle…
  • Ce sommet, nous l’appelons la « volonté de nuire », là où les noms d’oiseaux fusent, où les participants confondent le problème et la personne, où les uns et les autres deviennent agressifs, voire passent à l’acte ! L’objectif n’est plus la satisfaction des intérêts mais de remporter une victoire sur l’autre. Ah les belles chemises blanches en lambeaux des RH d’Air France !! Bref, si vous en arrivez là, il est évidemment urgent de vous arrêter et de vous faire aider. Quelles que soient les « fautes » que vous attribuez à l’autre, il est peut-être temps de remettre en question votre propre stratégie.

 

En conclusion

La négociation est aussi un exercice de communication. La manière de dire les choses est souvent au moins aussi importante que ce que nous disons. Dans ce contexte, écouter et accepter nos émotions, écouter et reconnaître les émotions de l’autre est une condition sine qua none pour avancer constructivement.

Etre performant en négociation, c’est aussi être performant émotionnellement. Nos émotions et ceux de nos interlocuteurs constituent une composante clé du succès de la négociation raisonnée.

Et vous en situation de négociation, êtes-vous à l’aise avec vos émotions ?

Voir Aussi

le Centre Européen de la Négociation, cité dans Le Point.

Négociations sociales : gare aux trois fausses pistes !

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