La curiosité : quel fantastique défaut !
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Par Michel Ghazal
Parmi la douzaine de biais en négociation, il y en a un que je considère comme particulièrement problématique : surestimer sa confiance en soi.
En effet, ce biais enferme le négociateur dans ses certitudes, réduit ses chances de parvenir à des solutions innovantes et, surtout, le conduit inexorablement à négliger sa préparation.Or, dans toute négociation, s’il doit bien y avoir une certitude ce serait que les zones d’ombre et les incertitudes sont omniprésentes. Déjà, l’observation montre que le négociateur a souvent une vision partielle de son dossier et de ses intérêts. Qu’en est-il alors de celui de son interlocuteur ? C’est un univers opaque qu’il n’est pas aisé d’appréhender et il serait prétentieux de penser bien le connaître. La certitude et le manque de préparation qui en résultent, conduisent à des résultats qui sont loin d’être optimisés.
La curiosité en action
Le négociateur efficace, à l’inverse, met en œuvre une disposition qui lui ouvre des voix insoupçonnées pour résoudre les problèmes et sortir des impasses : la curiosité. Celle-ci démontre notre ouverture à apprendre et à s’enrichir de l’autre.
Nous sommes ici très loin de la perception courante de la curiosité comme un vilain défaut. L’indiscrétion l’est certainement, mais pas la curiosité.
Face à quelqu’un qui affiche avec obstination ses positions, plutôt que de lui balancer une position opposée, commencer sa réponse par « Aidez-moi à comprendre » suivi d’une question ouverte d’exploration : « En quoi ce que je vous propose ne répond pas à vos intérêts ?».
En procédant par questionnement plutôt que par affirmation, le négociateur met en œuvre un des moyens les plus sûrs pour ouvrir l’autre et éviter de s’enfoncer avec lui dans des guerres de tranchées stériles et inefficaces. Évidemment, le secret de la réussite réside dans le silence qui va suivre : poser la question et attendre la réponse. Parfois, il convient de demander à l’autre son autorisation avant de commencer à le questionner : « Pour mieux comprendre, si vous en êtes d’accord, j’aurais besoin de vous poser quelques questions ».
Notre écoute démontre notre ouverture à apprendre. Ceci provoque alors des fissures dans l’armure rigide de notre interlocuteur et nous ouvre des voies de passage au rationnel qui fonde ses résistances. La chance de pouvoir les dépasser et le gagner à notre cause est, dès lors, décuplée.
Déployer sa curiosité implique de dépasser une résistance chez soi : comprendre la version de son vis-à-vis n’implique nullement d’y adhérer. Peut être les versions de chacun évolueront mais, en aucun cas, il ne s’agit d’abandonner d’emblée votre vision des faits.
- Former l’ensemble des partenaires sociaux à la « Négociation Raisonnée ». Pourquoi ? Réussir à changer concrètement la manière de traiter ensemble leurs problèmes et leurs différends, passe par un changement dans la manière de penser la nature de la négociation, de soi-même et de l’autre. Or, avec la méthode de la négociation raisonnée, il n’y a aucun conseil que je donnerais à l’une des parties que je ne puisse donner aux autres. Je le rappelle, l’objectif poursuivi est de parvenir à un accord mutuellement bénéfique satisfaisant les intérêts de toutes les parties en présence.
- Les formations à la négociation doivent être conjointes. Pourquoi ? Le seul fait de s’asseoir autour d’une même table pour apprendre, agit sur la croyance bloquante que les intérêts sont forcément en conflit et renforce l’idée que tous partagent des intérêts communs. De même, s’impliquer dans une activité commune est le plus sûr moyen de mieux connaître l’autre et de découvrir la personne derrière le rôle. Enfin, ceci permet de battre en brèche l’hypothèse que « le monde est comme je le vois », permet de découvrir qu’il y a plusieurs vérités et que les différences de perception constituent une des racines des problèmes rencontrés.
Pour conclure : Apprendre pour Comprendre avant d’Entreprendre
La curiosité est à la négociation ce que le stéthoscope est au médecin. Un outil pour diagnostiquer et comprendre avant de décider et d’agir en connaissance de cause.
C’est en ce sens que cette aptitude constitue une clé magique pour ouvrir des portes, de s’offrir de nouvelles perspectives et de générer des pistes inattendues de solutions.
Je cite pour terminer Albert Einstein : « Je n’ai pas de talents particuliers. Je suis juste passionnément curieux ».
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le Centre Européen de la Négociation, cité dans Le Point.
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Négociations sociales : gare aux trois fausses pistes !
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